ce jour de 1960, et après...

Vos souvenirs et anecdotes sur la vie à Agadir avant le tremblement de terre.

Modérateur : Raspoutine

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Prosper28
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ce jour de 1960, et après...

Message par Prosper28 »

Bonsoir Raspoutine,
selon les conseils de Coco, ci- après ce que j'avais envoyé après avoir trouvé le site et que l'on peut ajouter car après le séisme la vie avec ses moins bons et mauvais cotés a continué et j'ai encore le souvenir de collègues et d'amis qui se sont dépensé comme nous tous et sont soit silencieux soit muets à jamais et qui ne doivent pas être ignorés.
Pour moi le souvenir le meilleur que j'en conserve c'est que ça a été un grand moment de solidarité et de fraternité comme je n'en n'ai jamais connu un exemple d'humanisme et d'humanité inoubliables.
Mes fraternelles amitiés à toutes et à tous.
Bonjour,
Je suis heureux de découvrir le fruit de votre travail et perspicacité et à enrichir ce site sur Agadir qui m'a rappelé des souvenirs inoubliables ...
Je vous en félicite et vous encourage à continuer votre démarche du souvenir et humaniste car elle honore à la fois les morts et les vivants qui ont souffert.
J'ai essayé de m'inscrire pour le forum et communiquer mais je n'y suis pas arrivé. Sûrement une erreur de ma part.
Bref, je suis arrivé à Agadir à la base aéronavale le 1er avril 1958 et en suis reparti le 1er mars 1961. Le séisme, je l'ai d'autant bien vécu qu'à ce moment là, j'écrivais à celle qui depuis est devenue mon épouse et me suis retrouvé sous une table en arrière dans ma chambre à la base. Le temps de la peur puis de l'émotion passé, avec mes camarades, nous sommes descendus à l'entrée de la base et attendions les instructions et moyens pour aller porter secours.
Avant de partir, nous avons vu arriver le premier car de permissionnaires avec un civil revêtu d'une couverture et avec un de mes camarades qui l'accompagnait, il s'agissait du consul de France qui était rescapé du SAADA où il prenait un bain au moment du séisme.
J'ai passé la nuit avec d'autres, à retirer un marocain enseveli sous un pan de béton, un concierge je crois d'un bâtiment administratif, éclairé par des phares de camion, jusqu'à ce que le médecin de la base vienne pour voir s'il fallait l'amputer, ce qui n'a pas été fait car il a pu être sorti au matin. Je suis parti avant la fin de sa sortie pour aller extraire des corps ensevelis un peu partout. Nous avions très soif et rien à boire quand je suis passé devant le bar Miami que je connaissais pour y être déjà allé et nous avons bu ce que nous trouvions bien sur. J'ai vu une photo derrière le bar où j'ai reconnu des personnes et je l'ai récupérée en souvenir de ces personnes peut-être décédées. cette photo peut être communiquée sur le site…
Ensuite au cours des jours de secours entrecoupés de débandades des plus émotifs en raison des secousses qui continuaient bien sur comme dans tous séismes, dont une un midi au cours du repas, et là j'ai vu des collègues s'enfuir du restaurant dont certains ont sauté par les fenêtres et là se sont blessés (jambes et bras cassés).
Sur le site, j'ai pu voir le commentaire du dernier venant de Fréjus, et comme par hasard, dans ma chambrée au "camp américain" comme ont l'appelait, il y avait un nommé Vincent il me semble qui venait de Fréjus affecté à la base après la rupture du barrage.
Il faisait son service militaire et était conducteur d'engins de travaux publics dans le civil. Il a été réquisitionné pour conduire le bulldozer pour les fosses d'enterrement comme j'ai pu lire, et à coté de BenSergao (excuses pour l'orthographe) et il n'a pas pu continuer plus d'une journée en raison du bruit que cela faisait au recouvrement. Il s'agissait des cranes qui explosaient sous le poids nous disait-il..;
Puis vint le soir de la fermeture de la ville...avant la dispersion de chaux en raison des risques d'épidémie, et là le soir vers 16 ou 17 heures avec mon ami Bertinotti Jean Pierre (que je recherche toujours depuis mon départ d'Agadir, le 1/3/1961) nous sommes allés en stop dire au revoir (si on les voyait) à des personnes avec qui nous avions fait des sorties à la pêche dans le sud, à l'oued Massa et chez qui nous devions aller voir des films de cette sortie le soir du séisme... mais contrariée par un tour de garde pour absence d'un désigné. Une chance peut-être !
Donc pour se rendre en stop, une Mercédès s'est arrêtée et il s'agissait du Colonel Driss de l'armée royale, avec son aide de camp qui nous a pris aimablement. En arrivant vers la ville industrielle devant un attroupement, il a fait stopper sa voiture et un militaire est venu lui parler, et là je l'ai vu avoir des larmes aux yeux et a dit avoir honte de dire au militaire de faire son devoir... en fait des pillards avaient été arrêtés et la loi martiale avait été décrétée et ce qu'il s'en est suivi quand nous sommes repartis est que l'on a entendu des coups de feu...
Il nous a dit de ne pas rester en ville et de rentrer à la base le plus tôt possible. Bien entendu nous n'avons pas revu nos amis dont j'ai oublié les noms depuis.
Il était venu à la base car le roi Mohamed V avec le Prince héritier Moulay Hassan étaient venus se rendre compte avec l'Ambassadeur de France Alexandre Parodi et le commandant de la base, j'ai pu les prendre en photo car ils étaient près de ma chambrée qui était proche de la gendarmerie de la base . Photos à disposition aussi bien sur...
Pour la petite histoire, le Prince (héritier à l'époque) avait envoyé chercher des cigarettes et c'étaient des Camel...
J'ai ensuite dans les jours qui ont suivi, rencontré un photographe de l'Associated Press, Alexandre Pavunich à qui j'avais passé des photos d'Agadir avant le séisme pour son reportage, et en remerciement il m'a donné des invitations pour une soirée en faveur des sinistrés qui a eu lieu à Rabat à l'Ambassade de France mais nous n'avons pas pu y aller, ainsi que du film 24mm pour photos..
J'ai aussi travaillé au recensement des personnes pour le consulat durant 4 ou 5 jours, dans un bureau de la base installé dans le bâtiment de la salle de judo. Salle de judo que je connaissais bien pour en faire avec notre maitre ceinture noire Bacquerro et le premier maitre gendarme de la base qui faisait aussi de l'aïkido, et avec monsieur Milot qui était directeur des déménagements Bedel je crois, où il venait avec son fils qui avait à l'époque environ 5 à 7 ans.
Par la suite nous avons eu un repos compensateur de deux ou trois jours à Mazagan (El Jadida). Là j'ai un souvenir triste puisque c'est aux environ de cette ville qu'a eu lieu l'accident aérien du Lancaster qui ramenait des permissionnaires 19 morts et un disparu, le premier jour dans le journal, dont un camarade voisin en métropole à qui j'avais passé un col marin qui avait pris l'avion à la base de Lann Bihoué et moi qui devais le prendre à Nîmes mais j'avais eu une prolongation pour ma convalescence en sortie d'hôpital à Bordeaux au dernier moment suite à dépression post séisme. Pour cela je n'ai pas pris l'avion, mais je n'avais pas été rayé du manifeste des passager, d'où un disparu.. J'ai appris l'accident le soir vers minuit sur Europe, je ne vous dit pas le choc ressenti à 21 ans, sans compter que nous recevions des télégrammes pour savoir où j'étais, de me présenter à la gendarmerie la plus proche et celle de Saint Yzan de Soudiac en gironde, le commandant de gendarmerie était le père du fils unique à qui j'avais passé un col marin (avec mon matricule bien sur inscrit) Toute une histoire à mon retour à la base.
Bien entendu j'ai connu par la suite les tentes "marabout", puis les baraques Filod.
J'en suis parti en mars 1961, et j'ai eu l'occasion d'y revenir en 1978 avec mes photos du séisme et pour la petite histoire, j'avais emmené mon épouse en taxi à la casbah surtout pour voir ce qu'il en était advenu et de la ville de là-haut et j'ai montré les photos au chauffeur de taxi et à mon épouse... En moins de 5 minutes il y avait un attroupement qui nous entourait, des touriste abandonnés sur leur chameau... et tout le monde voulait voir la photo du roi Mohamed V...
Le calme revenu et nous redescendons (c'était en début d'après midi), le soir en rentrant de la plage à l'hôtel Kamal où nous étions, une petite armée de jeune et moins jeunes nous attendait pour nous voir et voir les photos bien sûr !
Ils ont été priés de déguerpir par les tenants de l'hôtel bien sûr.
J'ai été très déçu lors de ce voyage car je n'ai pu retrouver les brochettes que nous mangions le soir sur la place au Talborjt ni les oranges que l'on achetait pour presque rien au port.
Je suis donc revenu à Agadir au cours de voyages en 1978, 1995, 2004, et 2006 en camping car.
Là, j'ai pu constater qu'ils vendaient des photos du séisme dont j'ai les mêmes et qui venaient de la BAN...
Ces souvenirs incomplets bien sûr car le livre de Roger Le Toulec à qui j'avais envoyé à l'époque ma participation photographique qu'il m'a aimablement dédicacé au numéro 23 en mars 2002, résume mieux que n'importe quel témoignage ce qu'il en a été.
La vie a repris et a pris le-dessus. Le brave Lahoussine qui venait nous vendre ses fruits et casse croûte avec son vélo magasin à la base est revenu continuer son commerce et j'en ai gardé une photo aussi...
Agadir est devenue une belle ville touristique maintenant et j'en suis heureux pour elle et le Maroc que j'ai aimé dès le premier jour et que j'aime encore. J'ai eu la chance de rencontrer tout à fait par hasard Colette et je crois que nous sommes une paire d'amis isolés mais unis par les souvenirs d'Agadir , les bons, les moins bons, souvenirs que l'on peut partager qu'entre nous par ce que nous avons connu et vécu. Je la remercie ici car elle m'a fait découvrir tout ce qu'il s'est construit par solidarité du souvenir et que je n'avais pas pu connaitre avant car n'ayant pu me rendre à Agadir lors de la grande réception anniversaire qui avait été organisée.
Maintenant je suis en retraite et dans mon dernier emploi à Châteaudun je rencontre encore des marocains (il y en a pas mal ici qui sont ou non fixés) avec qui je travaillais et avec qui j'entretiens encore les meilleures relations.
Voilà pour ce qui en est de mon vécu, en espérant avoir contribué autant que faire se peut.

NOTA : Dans les photos, j'ai découvert des noms que mon beau frère qui a été au Maroc avec Lyautey et avait cité avant que j'aille à Agadir, et a connu la construction de l'immeuble de la SATAS du temps de Barutel, a connu la Perle du sud, car il était à l'époque à l'inspection des bataillons disciplinaires et faisait le sud du Maroc. La Perle du sud a été fermée en 1956, je crois et ne l'ai pas connue, mais je l'ai découverte à travers les photos du modérateur du site, Lahsen...
Merci à Colette et à Lahsen Roussafi.
Jean Gabriel Mériguet 28200

Raspoutine
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Re: ce jour de 1960, et après...

Message par Raspoutine »

Bonjour Jean Gabriel

je te remercie de tes encouragements et tout le mérite revient à nos chers lecteurs anciens et actuels Gadiris qui aiment prendre "un bol" de souvenirs sur ce site qui est le leur.
Je voudrais te féliciter pour ton émouvant témoignage de ce jour inoubliable du séisme et de l'après séisme. C'est un récit bien vivant et bien" lucide".
Nos amis lecteurs le partageront certainement avec toi et réveilleront beaucoup de souvenirs indélébiles de cette ville Agadir qui est la notre à tous malgré notre "éclaboussement" à travers la planète.
J’attends les photos scannées par ton soin pour enrichir notre site.
Tu as parlé d'une grande amie Coco dont j'ai retenu au cours de son voyage à Agadir un très bon souvenir et une gentillesse merveilleuse d'autant plus qu'elle était une Gadirie.Un lien que nous partageons.
Amicalement , et joyeux Noël Jean Gabriel.
Lahsen Roussafi

Prosper28
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Re: ce jour de 1960, et après...

Message par Prosper28 »

Mon cher Lahsen,
Je reviens vers vous après pas mal de soucis tant avec internet qu'avec la santé et autres problèmes plus ou moins urgents mais qu'il fallait traiter...
1) j'avais oublié où j'avais mis l'adresse du site et les mots et identifiant. Bref c'est en ordre maintenant car j'utilise deux adresse mail, aussi merci de m'écrire pour ce qui n'est pas AGADIR à naejjgm@wanadoo.fr.
2) Pour les photos que je puis transmettre merci de me donner une adresse perso pour que je les envoie, j'en ai fait un cd communiqué à Colette et il suffit de faire un tri pour les envoyer par Email ce qui en fera peu pour le site car il y en a qui feront double .
Merci de me répondre à mon adresse perso.
Amitiés chaleureuses
J.G. Mériguet

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