52 ans après, Mustapha a pris la décision de revenir dans la ville martyre Agadir. Cette ville de l’In biât !
Cette ville reconstruite et qui a vu sa population se multiplier d’année en année avec une vitesse grand V.
Le petit Mustapha avait suivi son papa à la ville de Talborjt multi confessions, multi nations, quand il avait réintégré les forces armées marocaines.
Une école mixte dite Européenne et Bosc, accueillait Mustapha, son père travaillait juste à côté à l’hôpital Mohamed V Ex-Lyautey.
6 mois avant le tremblement, sa famille se déplace aux immeubles militaires dits « Belle Vue »se trouvant à l’extension X.
Là , il fréquentait une petite école pas loin de son logement, mais tout près du bâtiment Radio-Agadir d’où le père d’une grande amie du Site Solange avait avisé le Monde entier vers minuit par un SOS que « la ville d’Agadir vient d’être détruite par un séisme, venez SVP la secourir !!! » Une catastrophe humaine vient s’inscrire sur le registre de cette ville martyre.
Mustapha se rappelle bien quand son papa, avait pu sortir en vitesse de l’immeuble emportant avec lui ses enfants, chacun dans une poigne, suivit de la maman. Il n’oublie jamais ces voitures écrasées qui rugissaient par leurs klaxons coincés sous les éboulis. Ses oreilles gardent à ce jour ce bruit et devient sensible. Heureusement qu’il vit avec sa petite famille en France à la commune à Campons bien tranquille où le klaxon ne fait pas excès.
Mustapha retrouve ses traces, sa vidéo défile à grand pas…l’émotion …l’émotion et fini par évacuer une mer de sanglots sur l’épaule de son épouse Françoise qui a su l’entourer de beaucoup de délicatesse et de confort. Nous sommes emportés nous aussi avec lui…52 ans d’images, de rêves, de souhaits.
Nous sommes bien accueillis par les occupants d’aujourd’hui, de son ex-logement.
La première des choses est de se rendre à Yachech mon quartier pour prier sur tous les disparus de ce cataclysme du 29 février 1960 dont une grande partie est dans des fosses communes. On s’est rendu au mémorial écrit en arabe et en français par l’Association Izorane N’Agadir (les racines d’Agadir)
Ce couple en plus avait suivi mon récit sur le témoignage de cette catastrophe, survenue dans mon quartier détruit à 100% et faisant des milliers de morts dont une grande partie d’eux sont ensevelis à ce jour sous des pierres dans ce qui était un quartier vivant. Une zone que personne à aujourd’hui n’a pris l’initiative de construire un mur de clôture pour l’épargner des sangliers sauvages naturels et humains qui la profanent. Une zone qui est « Houroum »mais, les responsables de la préfecture et de la municipalité depuis plus de 52 ans oui 52 ans sonnants SVP, ne la mettent pas dans leur Agenda… comme d’ailleurs la Forteresse, la Kasbah qui domine le tout Agadir. Les nouveaux touristes se précipitent pour monter la voir et reviennent déçus de ne rien voir.
Je pense que ça vaut la peine de rejoindre la maison maternelle où habitent ma sœur une autre rescapée sortie de ce quartier après plusieurs heures sous les décombres, entourée de son enfant rescapée à moins de 2 ans et ses petits enfants, pour se désaltérer et partager un verre de thé à la menthe.
Voilà mon cher frère Ya Mustapha, tu as bien fait de revenir pour nous rencontrer et ouvrir une page d’histoire pour toi et pour nous, autochtones d'Agadir.
Lahsen Roussafi