Agadir: tremblement de terre du 29 février 1960

Le témoignage de Jean-Marie JUANICO


Je suis né le 15 août 1943 à KHOURIBGA (MAROC).

Voici le récit de mon témoignage du tremblement de terre de février 1960 ainsi que mes souvenirs.

J'ai vécu trois époques dans cette ville bien aimée d’Agadir de 1948 à 1973.

L'époque d'AVANT - 1948 à 1958

Je suis arrivé à Agadir en 1948, mes parents ont acheté un bout de terre de dix hectares aux OULED-TEIMA qu'ils ont défriché entièrement à la sueur de leurs fronts et bâti une maison modeste pierre par pierre, de vrais pionniers comme tant d' autres colons des OULED-TEIMA

Le temps que la petite maison dans la prairie soit habitable, j'étais pensionnaire à l'école SAINTE CROIX.

Quand la petite maison dans la prairie fut terminée, je suis allé à l'école des OULED -TEIMA. Directeur et Directrice Monsieur et Madame Auguet à qui je dois tant de leur savoir.

Des OULED-TEIMA, je suis reparti sur Agadir en pension chez Monsieur et Madame HELLEN, pour aller à l'école BOSC. Mon collègue de classe était Raymond HUMEAU, (que j'ai revu en décembre 2008 chez mon ami Paul KALADGEW à SAINT- JEAN).

Après ces trois établissements Scolaires,  je suis allé à l'école d'INEZGANE, directeur Monsieur DAUBA, mon instituteur Monsieur Yvon ASCOLA, que je salue bien bas, ainsi que Monsieur ZNAIDI, mon professeur d'arabe, car ils m'ont beaucoup appris.

Mes collègues de classe furent, Antoine MORALIA, Robert VAUTRIN, Jean Claude LAMARQUE, Jacques LOLMEDE, Dominique DAUBA, Noël MENGUAL, Évelyne PINA, Arlette MATERA, ESTERE, DUPOND, DEMARET, ORGELET et tant d'autres…

Pendant cette scolarité, nous habitions mes GRANDS-PARENTS,  ma petite sœur et moi même la citée LAMBERT INEZGANE. La maison d'en face était celle de Monsieur ASCOLA et la maison qui était juste à côté de la notre appartenait à la Famille DEMARET, aujourd'hui l'auberge Provençale.>

Nous fûment de beaux ados, à têtes blondes, le teint doré, marchant sur le sable chaud de nos belles plages d'Agadir avec un grand A. Le weekend nous partions en famille et entre amis, cuire la paella sur la plage de TARAZOUTE au Km 14, lieu dit, le "rocher du diable" et bien d'autres plages encore. Nous allions aussi pêcher au Km 40 dit le phare et à la baie d'IMSOUANE. Nous étions heureux et innocents, nous portions sur nos visages la joie de vivre. Nous allions souvent aux chalets de la citée des OISEAUX, faire la surboum chez les copains et les copines, c'était le temps des TIWTERS...

Fin 1958, mes grands-parents quittaient INEZGANE avec ma petite sœur pour aller s'installer à Agadir dans cet immeuble (immeuble le NORD) face au marché central, en bas de cet immeuble, il y avait une salle de jeux BABY, FLIPPER etc. Nous nous retrouvâmes entre amis pour faire des parties de BABY et FLIPPER selon notre argent de poche et écouter de la musique HYE HYE !

Je fus souvent avec mon ami de classe Antoine MORALIA dans cet endroit et parfois avec Serge PALLOTI il habitait l'immeuble qui était en face du PULLMAN DU SUD, malheureusement les parents de Serge ainsi que Serge ont péri dans cette catastrophe, son pauvre père était menuisier ébéniste au QI.

L'époque du PENDANT - 1959 à 1960

En 1959 j'ai dû partir pour MEKNES terminer mes études. Et le 29 février 1960 date inoubliable, arriva l'Apocalypse, la descente aux enfers, ce monstre et diable que j'appelle le tremblement de terre que j'hais, haïrais et détesterais jusqu'à la fin de mes jours.

De cette tragédie j'ai perdu mes grands-parents et ma petite sœur, hélas comme tant d'autres gadiris. Avec mon oncle et ma tante, nous avons pris la route pour Agadir la nuit du 29 février 1960, par le Tizi-n-Test, la route habituelle que nous prenions avant le tremblement de terre via Agadir était coupée. Lors de mon arrivée aux OULED-TEIMA, je suis allé rejoindre mes parents, le choc a été immédiat quand je les ai vu, anéantis par cette tragédie, voir ma maman chérie dans un état de souffrance, de peine et de désarroi sans compter,  je fus marqué à tout jamais de la voir, ainsi nous étions une famille très unie que ce tremblement de terre a déchiré et détruit.

De ce malheur, mes parents ont tout abandonné (la ferme et la maison d'INEZGANE) et nous sommes rentrés en France précipitamment à VILLE-NEUVE-SUR-LOT où nous ne sommes restés que trois mois, car une deuxième tragédie allait se produire : ma Maman chérie se laissait mourir de la perte de sa fille unique et de ses parents, elle ne supportait plus et ne pouvait surmonter ses souffrances. Mon pauvre père prit la  décision de repartir pour Agadir ville chère à leur cœur. Dés notre arrivée à Agadir, mon père a demandé une autorisation pour récupérer les corps de nos chers défunts, car la ville fut fermée au bout de trois jours lors du séisme. Quand l'autorisation fut acceptée, le courage et la volonté de ce brave homme mon père, qui a lui seul a sorti des décombres sa fille de 12 ans et ses beaux parents bien aimés, de cet immeuble qui ne faisait qu'un mètre de haut.

D'ailleurs je tiens à exprimer ma gratitude envers Monsieur Bernard CLÉMENT (ami de mon frère qui était marin à la base AÉRONAVALE) et à tous ceux de la COLAS qui ont participé aux déblayements.

Cette épreuve horrible a été pour mon père un parcours très difficile à surmonter. Mes grand-parents ont été rapatriés en France et ma petite sœur est restée à Agadir au cimetière de YACHECH où elle repose en paix, cela a été la volonté de mes parents.

L'époque de l'APRÈS - 1960 à 1973

De cet enfer et de cette apocalypse qui a été pour nous tous les GADIRIS la plus grande des tragédies où il a fallu nous reconstruire et faire face à la vie, malgré nos peines et nos souffrances comme tout à chacun.

Après ce KO du tremblement de terre mes parents ont acquis le BAR CAMBON, j'ai été l'ami et le complice de MOULAY, le BARMAN et le cuisinier ALI, qui est aujourd'hui le HADJ MOHAMED ALI. J'ai continué à grandir avec mes souffrances intérieures ainsi que mes peines d’avoir perdu trois membres de ma famille et certaines de mes amis et amies, très inquiet de voir mes parents tristes et dans le désarroi, surtout maman chérie.

Petit à petit j'ai retrouvé quelques amis et amies d'enfance et l'amitié a été encore plus forte lors de ces retrouvailles émouvantes.

Le 8 août 1963 je me suis marié avec l'une des filles Cellier au consulat de France d'Agadir, de cette union est née deux belles petites filles Émilienne et Isabelle Juanico. La venue de nos deux filles a été la joie de nos parents chéris, mais ils avaient encore en eux toujours cette plaie profonde qui n'était pas cicatrisée. Annick, les enfants et moi avons quitté notre Agadir bien aimé fin  1973. Voici l'époque d'après de 1960 à 1973.

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En 2006, nous sommes allés à Agadir Annick et moi, déception complète de voir que notre Agadir avait changé intégralement, tous nos repères et tous nos souvenirs ont été gommés et ont disparus par la construction intense d'hôtels, d’immeubles et de maisons.

NB : Je tiens à présenter mes humbles excuses à tous les anciens et toutes les anciennes GADIRIS, qui ont eux aussi vécu ce cataclysme et cet enfer, d'avoir évoqué tous ces malheureux souvenirs, merci encore à vous tous.

Annick et Jean-Marie Amicalement.