Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Vos souvenirs et anecdotes sur la vie à Agadir avant le tremblement de terre.

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Raspoutine
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Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

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photo du 25-02-1943 : Clark-Murphy-Noguès à Agadir

Cette photo de Jacques Belin a été prise le 25 février 1943 depuis la Kasbah (Centre des Archives Diplomatiques de Nantes).
Elle montre le front de mer dégagé du côté de l’océan et de l’autre les immeubles Mourceau, BCT, Atlas, Excelsior (Brasserie de l’Océan, futur Miramar) et le magnifique immeuble de la SATAS, l’escalier et le garage Barutel.

En regardant de près, on peut distinguer une sorte de défilé devant l’immeuble Mourceau et le garage Barutel et beaucoup de monde sur le boulevard Bourguignon.
Nous savons juste que ce jour-là, le résident général Noguès recevait le général Clark et Robert Murphy, diplomate américain.
L’opération Torch venait de se terminer et le débarquement des alliés avait eu lieu en Afrique du Nord :

https://www.dailymotion.com/video/xvfup ... quent_news

La conférence d’Anfa s’était tenue du 14 au 24 janvier 1943. Les Américains installaient des bases au Maroc.

Quel pouvait être l’objectif de cette réunion ?

Marie France Dartois

Raspoutine
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Raspoutine »

Bonjour les amis du site
Nous voulons compléter le travail du front de mer que nous sommes entrain de construire par le trio (Marie-France Dartois - Régine Caïs Terrier et Lahsen Roussafi).
Je fais appel à nos amis tel que Lemmy qui pourront nous éclairer et nous rapporter beaucoup plus sur l'opération TORCH et le cas précisément d'Agadir.
Amicalement.

Lahsen

Lemmy
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Lemmy »

Bonjour les amis,

Je vois que l'équipe de choc est encore sur un nouveau projet ... La découverte de cette photo témoin est très intéressante, et la question aussi ... Vous êtes bien plus forts que moi en matière de recension historique, les archives nationales sont une source fiable et vous vous en servez bien. Je suppose que vous avez donné la photo à brouter aux moteurs de recherche d'Internet sans résultat, j'ai fait de même, on ne trouve rien ou presque sur cette réunion. Et aussi rechercher des coupures de presse de l'époque ... Ce que vous avez déjà du faire.

J'avais pas mal travaillé sur Torch quand j'ai rédigé le bouquin sur la BAN de Port-Lyautey, et j'avais écumé la bibliographie
aussi bien française qu' anglo-saxonne, une grosse masse d'infos existe sur cette période. Mais mes recherches n'étaient pas pas centrées sur le plan politique mais sur l'aéronavale et cet épisode de rencontre à Agadir m'a échappé. Du coup je n'ai malheureusement rien trouvé dans mes archives à vous mettre sous la dent.

Il faudrait voir si des fonds d'archives Clark-Murphy existent ...côté US ou UK .
-Records of the Foreign Service Posts of the Department of State _ National Archives
-Northwest Africa Seizing the Initiative in the West _ Axis Powers _ World War Ii

Parmi les ouvrages qui traitent de cette période dont une partie est consultable en ligne :
L'Afrique du Nord dans la guerre: 1939-1945 Par Christine Levisse-Touzé
United States Army in WWII - the Mediterranean - Northwest Africa: Seizing Par George F. Howe
http://cagrenoble.fr/victoire/victoire02.html
Et voir aussi du côté de Gallica

Quelques éléments politico-militaires à ne pas négliger :

Noguès n'était pas clair avec les Allies et il allait être débarqué de Résident peu après. Il avait donné l'ordre de résister en novembre 1942, et les combats meutriers qui suivirent ne furent pas à l'avantage des Forces de l'Armée d'Afrique, et on connait la suite, les Américains n'ont pas apprécié, nous ont chassés de Port-Lyautey et pris notre place. Très actifs Murphy et Clark étaient des pro de la négociation et multipliaient les rencontres entre ceux de Vichy et les Alliès sur ordre de Roosevelt, au grand dam des Gaullistes ... En plus de ça la fusion entre les FFL et les F'AA se préparait, ce qui n'était pas une mince affaire connaissant les antagonismes irréconciliables de Giraud et de Gaulle .

Agadir n'avait pas fait partie des différents objectifs de débarquement de la Task force de Torch, et le sentiment local en début 1943 était resté celui d'avant, fidélité à Vichy. Pour les marins, à commencer par la hiérarchie, ceux de la BAN, étaient restés des Maréchalistes et se ralliaient difficilement aux Alliés, car la Marine oubliait difficilement les morts de l'attaque anglaise sur Mers el Kebir de 1940 . Et je pense que les éléments de l'armée de Terre locaux, et sans doute aussi pas mal de civils, n'étaient pas trop tournés du côté des Forces Françaises libres.

Ce qu'on voit sur la photo devant la SATAS fait penser à deux détachements de marins en tenue de drap bleu foncé, prêts à défiler On est en février et c'est la tenue d'hiver dans la Marine. Je pencherai vers une cérémonie voulant montrer une volonté de réconciliation, suivie ou précédée d'un défilé militaire en l'honneur des représentants Murphy et Clarck, il devenait important de mettre de l'huile dans les rouages, une réunion au calme dans le Sud dans un cadre agréable pouvait détendre l'atmosphère. En tant que Résident en exercice Noguès ne pouvait pas faire moins ... sans savoir qu'il n'allait pas le rester encore longtemps.

Ce ne sont qu'hypothèses de ma part, car cette réunion faisait suite à la Conférence d'Anfa, et elle était sans doute et en premier lieu, destinée à définir dans le détail les modalités des accords, et à fixer les futurs rapports entre les forces en présence en AFN et leurs limites, et là il fallait du doigté.

A défaut d'aide concrète, avec tous mes encouragements pour votre boulot ...

Amitiés

Lemmy
Modifié en dernier par Lemmy le 27 oct. 2017, 02:25, modifié 1 fois.

Raspoutine
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Raspoutine »

Bonjour à tous,
La photo dont nous venons de parler montre donc un défilé sur le Boulevard Bourguignon. Elle fut prise à l’occasion de la réception à Agadir du Général Clark, de Robert Murphy et du Résident Général Noguès lors de leur retour de Tiznit le 25 février 1943 (photographe Jacques Belin attaché à la Résidence) (Archives Diplomatiques de Nantes).

La photo est accompagnée d’une autre sur laquelle se trouvent les protagonistes cités ci-dessus : Le général Mark W. Clark, Robert Murphy (ministre des E-U à Alger) de passage à Marrakech, le général Noguès encore résident jusqu’en juin 1943, le général Chatras commandant d’Agadir-Confins.

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Un article du journal du Petit Marocain du 26 février 1943 nous informe que la veille : le 25 février 1943, le général Clark et M. Murphy, accompagnés du général Noguès effectuèrent une rapide tournée à travers les confins du Sud marocain. Partis à 9 h 30 de Marrakech, ils se rendirent à Tiznit où ils furent accueillis par le général Chatras, par le colonel Chevreton et le pacha de Tiznit et les différents notables.
À 14 h30, ils atterrissaient à Agadir où une foule considérable leur ménagea un accueil des plus chaleureux. Les généraux assistèrent au défilé des troupes de la garnison puis se rendirent à la citadelle, se firent exposer les plans concernant le développement future de la ville et du port, prirent le thé chez le général et Mme Chatras (Commandant du Territoire d’Agadir-Confins) à la Maison de France avant de regagner Marrakech où ils étaient attendus à la table du général et de Mme Noguès.

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La journée était certes bien remplie mais on ignore encore le pourquoi de ce déplacement qui n’est pas explicité dans le reportage.
Il était certes important pour les Américains de prendre la température de leur popularité dans le Sud marocain mais on peut, semble t’il sans trop se tromper, conjecturer qu’ils étaient principalement intéressés par la mise en place d’une base aéronavale à Agadir dans le but de sécuriser les routes maritimes empruntées par les convois alliés.
Au cours de l’opération TORCH, les troupes américaines avaient occupé la BAN de Port-Lyautey ce qui avait amené l’état-major de l’Aéronautique navale à choisir Agadir comme base de repli pour les formations rescapées des combats (J-C Laffrat, La Base d’Aéronautique Navale d’Agadir, les Cahiers de l’Ardhan N°26, 2014, p. 6).
Le 14 novembre 1942, la flottille de chasse IFC et la flottille de bombardement 3F et ses deux escadrilles firent mouvement vers Agadir et s’installèrent dans la zone qui avait été aménagée par la Marine au Sud-Est du terrain, peu avant le débarquement.
Ainsi dans le courant du mois de mars 1943, le Fleet Air Wing 15 de l’U.S. Navy (basé à Port-Lyautey) décida de faire d’Agadir une base auxiliaire permettant d’étendre la zone de protection des convois maritimes jusqu’aux Îles Canaries.
Les nouveaux arrivants s’installèrent dans le Sud du terrain et dès le mois d’avril, ils procédèrent à des aménagements : dans un 1er temps à l’allongement de la piste à 1 800 m. conjointement avec les TP puis ils construisent une tour de contrôle, des bâtiments techniques et des casernements en dur.
À la fin des travaux, la base reçut le nom de NAAF Agadir (Naval Auxilliary Air Facility) ; elle fut placée sous les ordres du commander USN Joseph Garfiner (idem, p. 9).

Marie France Dartois

Lemmy
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Lemmy »

Bonjour Lahsen,
Cette dernière photo est très intéressante, elle montre bien des marins qui défilent, mais ta confiance en moi pour apporter des précisions est bien mal placée, et au lieu de partir dans des explications supposées j’aurais mieux fait de regarder dans mes archives, car sur ce coup je suis très mauvais.

En effet, quand Marie France Dartois, se basant sur mon texte du cahier sur la BAN Agadir écrit :

… Il était certes important pour les Américains de prendre la température de leur popularité dans le Sud marocain mais on peut, semble-t-il sans trop se tromper, conjecturer qu’ils étaient principalement intéressés par la mise en place d’une base aéronavale à Agadir dans le but de sécuriser les routes maritimes empruntées par les convois alliés.


Et bien il n’en est rien, l’utilisation du terrain d’Agadir Ben Sergao par les appareils de l’US Navy avait commencé bien avant, dès novembre 1942 par l’envoi d’un détachement du Squadron VP-73. A peu près en même temps où l’Aéronautique navale s’installait sur le terrain, qui rappelons-le, était alors une base de l’armée de l’Air.

Je n’ai découvert cet épisode qu’en regardant à nouveau les archives quotidiennes des Squadrons de l’USN (les Diaries) que j'avais compilées lors de la rédaction du livre de l’ARDHAN sur la Base de Port-Lyautey, publié en novembre 2016. On peut y lire ceci :

Squadron VP-73
> NAF Port-Lyautey, operating PBY-5A from 11 Nov. 1942 to 16 Aug. 1943
> Det. NAAF Agadir, operating PBY-5A from 11 Nov. 1942 to 16 Aug. 1943
> NAAF Agadir, operating PBY-5A from 16 Aug. 1943 to 4 Dec. 1943

Cette information ne figure évidemment pas dans le cahier sur la BAN Agadir diffusé l’année précédente. Et quand j’écrivais dans le cahier :

Ainsi dans le courant du mois de mars 1943, le Fleet Air Wing 15 de l’U.S. Navy (basé à Port-Lyautey) décida de faire d’Agadir une base auxiliaire permettant d’étendre la zone de protection des convois maritimes jusqu’aux Îles Canaries.

C’était une regrettable erreur de ma part, je n'avais pas assez approfondi la question Errare humanum est ....

On ne peut donc pas conclure que la visite de Noguès- Clark- Murphy dans le Sud avait quoi que ce soit à voir avec l’utilisation de la future BAN d'Agadir par les Américains, ils s'en servaient déja. Après la réussite de l’Opération Torch les attributions étaient clairement réparties entre l’USAAF, l’Army et la Navy et relativement découplées de l’organisation future entre les FFL et les FFA, qui avaient un caractère beaucoup plus politique, qui mettaient mettaient en scène le Résident et les diplomates.

J’ignorais le détail de la visite à Tiznit, et je pense que finalement cette rencontre à Agadir, même accompagnée de défilés de troupes, qui s’y prêtent toujours sans hésitation (ni murmure) avait plutôt des tendances récréatives que militaires pour les visiteurs, compte tenu de l'invitation de Noguès à Marrakech qui allait suivre et clore ce programme de festivités, opinion toute personnelle.

Amitiés

Lemmy

Raspoutine
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Raspoutine »

Bonjour,

Journée du 25 février 1943
OK Lemmy (je viens juste de découvrir que tu serais J-C Laffrat ? J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le cahier sur la base d’Agadir mais c’est assez technique et compliqué entre base aérienne et base aéronavale), il n’en reste pas moins, me semble t’il, que les Américains allaient s’installer peu après cette journée du 25 février 1943 dans la partie Sud de la base d’Agadir (en mars 1943 ?) et je ne peux m’empêcher de penser que Murphy en poste à Alger et le général Clark avaient autre chose à faire à ce moment-là qu’un peu de tourisme ou encore de parader dans le Sud à Agadir et à Tiznit.
Nous n’en saurons probablement pas beaucoup plus à ce sujet mais nous avons encore quelques ressources à exploiter, glanées par Régine Caïs au Centre des Archives Diplomatiques de Nantes qui concernent cette journée particulière et peut-être pas si innocente.
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De Gaulle avait été tenu à l’écart du débarquement allié par les Alliés et en particulier par les Américains. Le président américain Roosevelt se méfiait de lui comme de la peste et lui préférait Giraud. Quant aux autorités militaires françaises encore en place au Maroc, fidèles au maréchal, elles se méfiaient de tout le monde faisaient la chasse aux sympathisants gaullistes et à toutes sortes de personnes comme les Francs-maçons, Juifs, Républicains espagnols, Italiens, etc. Mais que pensait la population d’Agadir ?


Revenons à cette journée particulière du 25 février 1943 :
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À Agadir, le Chef du Commandement d’Agadir-Confins qui était le général de brigade Chatras, était informé par la Police de la situation qui prévalait à Agadir en matière de dissidence et rendait compte à Rabat au Résident Noguès et au colonel Guillaume (directeur des Affaires Politiques).
À Agadir, les mesures suivantes avaient été prises par les autorités militaires françaises suite au débarquement allié :
- Une surveillance de jour et de nuit avait été instaurée à l’encontre des anciens Francs maçons et sympathisants nommément désignés dans les courriers, et à l’encontre des « Gaullistes » (Bulletin N° 1550 du 17 novembre 1942 CADN-Le général Chatras au directeur des Affaires politiques).
- Les autorités françaises se méfiaient également de leurs alliés Américains et si au cours d’un repas de mariage par exemple, les invités avaient remercié des Américains qui avaient porté un toast en leur honneur, un rapport était établi considérant que les invités avaient fait un signe évoquant le V de la victoire !
- Des mesures d’éloignement furent prises à l’encontre du chef d’atelier de la SATAS qui au cours de son travail avait « manifesté des sentiments favorables aux Anglo-Saxons » et d’un particulier « qui avait affiché en public des sentiments anglophiles ». Tous les deux furent placés en résidence surveillée à Bou-Izakarn.
- Il ne faisait pas bon avoir la nationalité italienne qui vous rendait suspect d’être un agent des puissances de l’Axe et vous envoyait au bagne pour des mois. Il ne faisait pas bon être républicain espagnol réfugié au Maroc. Ces personnes furent arrêtées dès le 13 novembre 1942. Certaines furent internées dans des camps au Maroc pendant plusieurs mois. Ricardo Caviosi (architecte de la villa Barutel et de l’Hôtel Gautier dans les années 30) considéré comme un agent consulaire officieux était particulièrement suspect mais avait pris la fuite.

Journée du 25 février 1943 :
Le bulletin de renseignement N° 17 (Centre des Archives Diplomatiques de Nantes) concerne précisément la visite du Général Clark, du diplomate Robert Murphy et du Résident Noguès à Agadir le 25 février 1943.
Ce bulletin de source policière, adressé au Général Chatras, n’apporte aucune information sur l’objet de la visite mais en apporte d’autres sur ce qui se passe à l’occasion de cette visite.
Conformément aux instructions du général Chatras qui préconisait une surveillance policière de tous les instants, cette lettre rapporte au résident Noguès les à côtés de cette journée du 25 février 1943 et le comportement des habitants.
Elle concerne particulièrement le repérage des personnes qui au cours de la cérémonie avaient crié à plusieurs reprises « Vive de Gaulle » au cours de cette journée. Suit une liste nominative de 15 personnes.
Quand le Résident Général Noguès descendit du véhicule face aux tribunes, le groupe cria « Vive l’Amérique », « Vive La France », « Vive la République » et quand le Résident Noguès et le général Clark regagnèrent la foule en direction de l’Hôtel Terminus, le groupe cria à nouveau « Vive La France » « Vive l’Amérique » et « 2 ou 3 cris isolés de « Vive de Gaulle ».
Le comble semble avoir été atteint (pour le commissaire) quand une femme, ménagère, demeurant à Founti, dont le mari était armateur, cria d’une voix forte « Vive de Gaulle » ; elle s’adressait plus particulièrement à M. Bazin, Chef local de la Légion française des Combattants (LFC) provichyste.
Le commissaire parut surpris car « cette personne (écrit-il) n’avait jamais attiré l’attention jusqu’à ce jour et avait toujours été bien notée par ses voisins » !

(Bulletin N°17 Secret du 10 mars 1943 – Objet : Visite à Agadir du Général Noguès et du Lt-Général Clark. Elle est adressée au Général Chatras et signée Laffite- CADN).

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Le résident général Noguès qui avait voulu rejeter les Américains à la mer en novembre 1942, restait Résident général au Maroc aux ordres de Vichy. Cependant en juin 1943, Noguès sera démissionné, quittera la France pour le Portugal, sera jugé par contumace et condamné en 1947 à 20 ans de travaux forcés et à la déchéance nationale. En 1954, il viendra spontanément se livrer en France, sera jugé et relevé de sa peine. Par la suite, le gouvernement Edgar Faure tentera d’user de l’influence de Noguès auprès du Sultan Sidi Mohamed Ben Youssef pour préparer le retour de ce dernier au Maroc.

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Amitiés
Marie France Dartois

Lemmy
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Lemmy »

Bonsoir Marie -France,

Lahsen vient de me rediriger sur ton intéressante réponse.Régine à trouvé là des détails extrêmement intéressants sur ce qui se passait sous la houlette des Vichystes, ce qui ne m'étonne pas plus que ça concernant la délation, on y retrouve presque calqués, les mêmes errements qu'en France Occupée, j'avais 17 ans à l'époque et je m'en rappelle très bien. J'ai par la suite beaucoup lu sur les antagonismes entre Maréchalistes et Gaullistes en AFN après le débarquement Anglo-US, en particulier dans la Marine où des rivalités aiguës ont perduré longtemps. Le père de mon épouse, qui était était officier supérieur dans les Tirailleurs en Algérie jusqu'en 1943 à fait ensuite la campagne de Tunisie avec le 4éme Zouaves (Bataille de Kasserine, puis débarquement de Provence, remontée jusqu'en Alsace, et pour finir dégagement de la Poche de Royan) m'en a appris davantage sur ce qu'étaient les relations entre ceux de l'Armée d'Afrique et les Gaullistes et sur les raisons des ressentiments et même des rancunes qui les opposaient.

Quant au déroulement de la réunion du 25 février dans le Sud, j'ai bien lu ton analyse et la partage largement. Sans doute le tourisme n'en était était pas la raison première, chacun voulait prendre ses marques, et Nogues tentait en vain de se réhabiliter vis à vis des Alliés. Mais pour revenir aux activités des Américains à Agadir, si il est exact de dire que dans l'organisation du Fleet Air Wing 15 de Port Lyautey, la création de ce qu'ils nommaient Detachment 1 Advanced base NAAF Agadir date officiellement du 17.04.1943 (son premier C/0 (commanding officer) était le Lcdr A.S. Heyward (USN) il n'en reste pas moins qu'ils se servaient du terrain avant.

Car ce même A.S. Heyward portait double casquette, il était aussi C/0 du Squadron VP-73 qui s'était installé sur le terrain de Ben Sergao le 14.11.1942 et patrouillait quotidiennement dans la zone des Canaries. En fait cette prise de possession américaine s'est faite en douceur, même si les hommes du VP-73 vivaient sous la tente avec des moyens provisoires ils étaient présents au Sud du terrain avant que des travaux ne le rendent vraiment opérationnel. Heyward a exercé les deux commandements en parallèle jusqu'au mois de novembre 1943 quand il a été remplacé par le Lcdr. Richard Friede (USN) Ensuite se sont succèdes à la tête de la NAAF les Cdr. Westhofen (USN), Cdr.Gardiner(USN) , Lcdr Doerflinger (USN), Lcdr. Shumway (USN)et Lcdr Dally (USN) qui exerça jusqu'au départ des Américains d'Agadir le 3 juillet 1945.

Le Fleet Air Wing 15 de Port Lyautey à été dissous peu après. Mais de novembre 1942 jusqu’à la reddition allemande de 1945 on peut affirmer que les Squadrons de la Naval Aviation ont bien été présents à Agadir. La protection des convois était une priorité pour le Haut Commandement Allié et comme je l'ai écrit dans un précédent message l'Etat Major de la 6è Flotte US dont dépendait le Fleet Air Wing 15, avait toute latitude pour utiliser les aérodromes Marocains quels qu'en soient les attributaires, sans avoir à en référer aux autorités militaires françaises. Ces objectifs avaient été définis à Norfolk avant le départ du FAW-15 pour Port-Lyautey au moment ou la Navy annexait la base du Sebou. L'EM de la 6ème Flotte avait la haute main sur toutes les opérations, Il en était d'ailleurs de même pour celui de l'USAAF qui avait pris possession de toutes les bases aériennes du Maroc et s'en servait comme il le souhaitait. L'avis des autorités civiles ou militaires présentes au Maroc à l'époque ne représentait en rien un obstacle et était de peu de poids. Le but était de conduire les Forces Alliés d'abord en Tunisie, puis en Italie et en Métropole en utilisant au mieux les moyens existants.

Une partie de ces détails figure dans La Base d'Aéronautique Navale de Port-Lyautey (1919-1962) un livre que j'ai rédigé pour l'ARDHAN et qui a été publié en novembre 2016. A titre d'auteur je détiens le fichier PDF de l'intégralité de l'ouvrage, il fait 310 pages et comporte environ 400 photos. Si tu es intéressée, je me ferai un plaisir de te le faire parvenir par téléchargement, donc n'hésites pas. Même si c'est un peu technique, comme tu dis, on balaye toute l'histoire des Marins aviateurs à Kenitra/Port-Lyautey ainsi que celle de la Naval Air Station Port-Lyautey qui va de 1942 à au delà de 1962.

Voilà le résumé du livre ;

Au sortir de la Grande Guerre, alors que l'essor des hydravions de grand raid en est à ses débuts, la Marine, désireuse d’établir des escales, décide de créer des Centres d'aviation maritime supplémentaires. Au Maroc en 1919, un CAM sommaire est construit le long de la côte atlantique sur la rive gauche de l’Oued Sebou à proximité du village de Kenitra. En 1920, après une existence éphémère seulement marquée par deux raids d’hydravions, le CAM de Kenitra est désarmé. Tout au long des années 1920 des vols à longue distance à destination de l'Afrique de l'Ouest préludent aux premières traversées de l'Atlantique sud. Sur ces routes, le plan d'eau du Sebou, malgré son infrastructure sommaire, va constituer une escale privilégiée pour l’accueil des hydravions d’escadre et des grands hydravions de raids. Au début des années 1930, alors que la ville de Kenitra prend le nom de Port-Lyautey, l’installation d’une base permanente est de nouveau envisagée par la Marine. Des terrains sont acquis et de nouvelles constructions maritimes et terrestres sont lancées, et en 1939, la BAN de Port-Lyautey voit le jour. Le déclenchement de la deuxième guerre mondiale va profondément bouleverser l'existence de la nouvelle base. En 1940, encore tout juste opérationnelle, elle va accueillir les hydravions des formations repliées de métropole et de nouvelles formations basées à terre. De 1941 à 1942, elle connait une période d’activité réduite imposée par les conditions d’armistice. Choisie par les Alliés comme un objectif de conquête lors du débarquement de novembre 1942, elle est le siège de tragiques combats qui opposent les marins aviateurs, restés fidèles au gouvernement de Vichy, aux forces aéronavales américaines ; et après avoir été conquise, elle passe sous contrôle américain. À partir de 1943 elle devient la plateforme principale des opérations menées par l’US Navy contre les sous-marins allemands jusqu’à la victoire de 1945. Restituée partiellement à l'Aéronautique navale, elle renait en 1948 sous forme d’une BPAN dans un contexte de cohabitation inhabituel avec les Américains qui conservent une grande partie des installations. En 1960, quatre ans après l’indépendance du Maroc, elle devient brièvement une base école de chasse. Elle est remise aux Forces Royales Marocaines en 1962, vingt-trois ans après sa création.

Avec mes amitiés

Jean-Claude Laffrat

Alias Lemmy
Modifié en dernier par Lemmy le 02 sept. 2017, 07:47, modifié 1 fois.

Marie-France Dartois
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Re: Quel pouvait-être l'objectif de cette réunion ?

Message par Marie-France Dartois »

Bonjour à tous
Pour sur, Lemmy, que ça m'intéresse !
Cette journée aura été fructueuse.
Amitiés
Marie France Dartois

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